DEPARTEMENT DE LITTERATURE ET CIVILISATIONS AFRICAINES DE L’UNIVERSITE DE YAOUNDE I : Présentation du Recueil de Poèmes De Dong’Aroga Joseph : L’Empêcheur d’aimer en rond, Yaoundé, PUY, 20

Publié le par whisperingsfalls/Noke Simon Francis

 

DEPARTEMENT DE LITTERATURE ET CIVILISATIONS AFRICAINES DE L’UNIVERSITE DE YAOUNDE I : Présentation du Recueil de Poèmes De Dong’Aroga Joseph : L’Empêcheur d’aimer en rond, Yaoundé, PUY, 2006.

 

NOKE Simon Françis, Doctorant LCA,

Université de Yaoundé I.

                        Mercredi, 25 Avril 2010 à 17 heures au Centre Culturel Français de Yaoundé,

               

L’évènement que l’auteur lui-même a présenté comme un café littéraire a vu la présence d’un parterre d’invités multiples, des professeurs de renom et un public tout venant. Le café s’est vu le cadre d’échanges et de discussions nourries sur les œuvres présentées : La Tortue chez les Bafia, Yaoundé, Harmattan, 2011 ; un roman : Mbamba, Yaoundé, PUY, 2011 et un recueil de poèmes :    L’Empêcheur d’aimer en rond, Yaoundé, PUY, 2006. Ce dernier recueil que nous présentations ici dévoile s’il en est besoin la pluridisciplinarité de cet auteur illustre qui n’en fini pas de nous surprendre.

           

            Présentation du Recueil de Poèmes : L’Empêcheur d’aimer en rond

De toutes les œuvres qui permettent à l’homme de s’introduire dans les méandres immuables de l’histoire, seules celles qui lui survivent le consacrent à cette fin. André Malraux ne disait-il pas que « l’immortalité c’est travailler à des œuvres éternelles » ? Les civilisations africaines ont fait des figures comme Samory Touré, Chaka Zulu, le Roy Behanzin ou encore Njap Makon de véritables légendes vivantes au travers des nuances puissantes mais fébriles de l’oralité. Cependant, à cette fébrilité, une alternative haute et primordiale, l’écriture de l’histoire, s’impose aux traditions orales tel un moyen sûr et trans-spatiotemporel pour la conservation dans les galeries scripturaires des menus actes de la vie dans sa forme nue. C’est en notre sens, cet impératif qui semble mobiliser à cet instant notre présence en ce lieu illustre du Centre Culturel Français de Yaoundé.

  Qu’il me soit permis en cette occasion solennelle de saluer l’œuvre grandiose d’un homme dont les facettes multiples se déploient dans les qualificatifs qui n’ont d’égal que la foule de postures qu’arborent sa personnalité. Pour nous, frères, collègues, amis, hommes de culture, étudiants qui avons la chance de côtoyer cet homme, Pr. Dong’Aroga Joseph, c’est un grand honneur de nous compter parmi le cercle fermé de ses proches. C’est aussi un inextinguible plaisir et un sentiment de joie de le voir aujourd’hui goûter aux mérites d’un labeur accompli d’arrache pied et avec un rare dévouement.

Philosophe, il l’est de par sa formation universitaire. Oraliste, il l’est par vocation. Romancier et poète enfin, il l’est devenu par souci d’apporter sa pierre à l’édifice de construction d’une société humaine consciente de son histoire collective et culturelle et tournée inexorablement, par l’appropriation de cette histoire, vers une capitalisation des acquis utiles dans la manifestation d’une autre nécessité : la continuité de la vie.

Notre propos ici, ne réside pas dans l’exposition exhaustive de l’œuvre littéraire de Dong’Aroga Joseph. Si un tel travail ne manquerait ni d’intérêt ni d’originalité, notre tâche va se résumer singulièrement à la présentation de son recueil de poèmes, premier de la collection « La Nolica » intitulé : l’Empêcheur d’aimer en rond.   

Ce recueil, notons le a paru déjà, dans les Presses universitaires de Yaoundé, en 2006. S’il a donc cinq d’âge, il semble avoir été écris dans un espace bipartite (Dschang et Yaoundé) et au cours d’une période non moins importante de 17 ans (entre 1987-2004). Une vision primaire du recueil, renvoyée par cette spatio-temporalité multiforme, peut donner à croire qu’il se constitue dans une congrégation et une concaténation de sujets et de thèmes asymétriques ou sans lien logique. Cependant, l’ampleur des sujets évoqués et leur permanence dans le vécu social ou politique du Continent africain en général et du Cameroun singulièrement.

A cette spatio-temporalité multiforme, s’adjoint une autre, tripartite, se déployant dans le passé, le présent et le futur, produits de la perception de l’auteur. Cette tripartite semble être le cadre sur lequel on peut lire les différentes subdivisions du recueil des poèmes. Le recueil en effet, comprend quatre grands thèmes ou chapitres fédérateurs qui n’ont de trait commun que la célébration du champ lexical de la musique. Le premier, les chansons de la lune comprend 11 pages de 07 poèmes ; le deuxième, les mélodies de la vie s’étend sur 14 pages de cinq poèmes ; le troisième, les symphonies africaines, le plus important, comprend 17 pages de 05 poèmes et le dernier, Chants d’aurore a 16 pages de 07 poèmes.

 Une idée et une perception cocasses et fortes semblent tenir le recueil en une unité singulière, un mouvement linéaire se manifestant en une harmonie mélodieuse d’où jaillissent le nostalgique, le tragique, l’évasion et l’espoir.

Dans le nostalgique se ploient les images du pays natal, Nkokoe ou encore Itagi, terre ancestrale, inspiratrice d’où le poète revient puiser les sources  vives et vivifiantes du bonheur de la rencontre avec la vie et le destin. Itag est dans le poème « Mon canton » (p. 35) le quartier du retour éternel. A ce poème, semble s’accorder ceux du « Souvenir » (p. 16), « Tes yeux » (p. 17), « A Thomas Sankara » (p. 61) célébrant à leur manière une vénérable époque souhaitée ou fantasmée, appelée à s’inscrire dans un présent problématique et tragique.

Dans le tragique, rideau que nous venons de lever, la réalité semble mourir de quelques maux qui font valser, dans un même accord, l’inquiétude et l’effroi. Le vécu social semble dans « Etre chez soi » (p. 41) se saisir dans les cauchemars atroces du bail, les entrées intempestives du bailleur, l’Odontol, la 33 et le Sofavinc. Il promène la noirceur crasseuse des SDF, des Sans logis, des Clochards, des Enfants de la rue, des Nanga Boko, bref des laissés pour compte vivants dans le contraste, en face de l’opulence d’une classe sociale riche aux châteaux à l’architecture futuriste et aux fortunes mirobolantes. Le tragique dans « Etre chez soi », c’est l’image triste et poignante des enfants, expirant fautes seulement d’un peu de chloroquine et condamnés à ne vivre qu’en fouillant les poubelles pour tromper leurs faims. A ces images, viennent s’adjoindre les maux comme la corruption dans « L’Hydre polycéphale » (p. 45), les pandémies telles le SIDA dans « l’Empêcheur d’aimer en rond » (p. 18).

Le poème « Ville morte » (p. 67) traîne péniblement les images du tribalisme, du népotisme, du favoritisme venant poser le problème de la « démocratie » (p. 47) dans une Afrique au visage de la tyrannie que ne manque pas de décrier la lettre-poème « A Samora Machel » (p.63). Le tragique enfin, se dévoile dans la réalité d’une Afrique, selon le poète, avalant malgré elle les pilules de l’Occident, la dévaluation du franc CFA et les Programmes d’ajustements structuraux (A Thomas Sankara).

C’est à l’évasion et à l’espoir que nous conduits enfin le poète. Tout n’étant point noir dans ce continent, la force cathartique de l’amour ouvre des horizons d’espoir. En effet, c’est, selon le poète dans « Tes yeux » (p. 17), l’amour qui nous rend forts, nous grandit, nous élève, nous purifie et nous sauve. C’est elle qui triomphe de tous les maux. Elle vit en « l’Enfant » (p. 25), dans le cœur de la femme africaine « Femme » (p. 29).

L’espoir est là. Dans la prise de conscience de la valeur, dans la connaissance de sa force par l’ « Afrique » (p. 49). Les raisons d’espérer sont évidentes. Et, le poète n’oublie pas de les trouver dans la florissante richesse historique,  culturelle, naturelle, minière et économique du continent. Il les trouve surtout, dans la valeur et le courage de ses hommes : Thomas Sankara, Nelson Mandela, pour ne citer que ceux là.

Les lendemains meilleurs semblent certains. Le poète les perçoit dans l’Afrique de ses rêves (p. 53). Pour lui, le continent n’est pas mal parti, seulement il n’est pas parti, pas encore ! Mais, il partira de la plus belle manière et une fois pour toutes. Enfin, ces lendemains, le poète les perçoit dans la puissante subtile et immuable de la nature et singulièrement dans « la lune » (p. 13). Comme il le dit si bien :

La lune s’est levée, ma chère,

Elle va éclairer la terre.

La nuit ne sera plus noire,

Les chats ne seront plus gris,

Les ombres ne feront plus peur

Nous marcherons dans le jardin,

Caressés par les feuilles,

Nous irons d’arbre en arbre,

Volerons de planète en planète

Sur les ailes de l’amour. (p. 13)

La poésie de Dong’Aroga Joseph est au-delà de tout un hymne à l’amour et à l’espoir. Mélodieuse, enchanteresse, la simplicité et la très grande accessibilité de sa langue ne s’encombrent aucunement d’hermétismes. D’un lyrisme réel, cette poésie mérite donc que nous lui accordions un espace dans nos bibliothèques et surtout, un temps et un cadre illustres dans nos cœurs et dans nos vies.

Je vous remercie !

 

 

 

 

Publié dans Littérature

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